dimanche 16 janvier 2011

Idées reçues

Combien de fois je piquais ce bouquin que j’avais repéré dans le bureau de mon père, avec son aguicheuse couverture de papier glacé. Je le cachais sous mon lit et attendais le soir pour m’enfoncer sous les draps, armé d’une petite lampe de poche. Je passais alors des heures à feuilleter ces pages, toutes plus belles et prometteuses les unes que les autres. Le Coupé du Vercors, ouvrage culte du siècle dernier et encore inégalé aujourd’hui. Des récits incroyables d’aventuriers des temps alors modernes, à deux pas de la maison. Des héros locaux, élevés au rang de demi-dieux devant tant d’audace. Rodés aux manips les plus périlleuses, rompus à toutes les ficelles de la grimpe, pour se hisser coute que coute et le plus rapidement possible vers le haut. Page 75, Gerbier, théâtre de célèbres épopées verticales. Pilier de la double brèche, 17 sept 1961, 200m, 25 pitons, 3h30…des mots à faire frémir les plus hardis des cuvettards privés de leur perche.
Et pourtant, le Y.D. mentionné à l’époque n’était autre que le Yves de ce samedi matin. Le gaillard d’antan, toujours jeune que j’amenais découvrir de nouveaux horizons cuvettards, n’avait rien perdu de sa superbe. Espace Comboire, 14 Janvier 2011, 7m50 à peine, une stat à remonter au jumard, 3h30… en 40ans rien n’avait changé. Une maitrise inégalée des technique alpines de remontée sur corde, à telle point que Bertrand son compagnon de cordée du jour eut recours à d’astucieux mouflages pour permettre à notre alpiniste d’avant-garde de passer l’épreuve de l’accès à la vire…
Ah, notre société moderne aseptisée n’a pas que du bon. Elle aura eu raison de tout un lourd passé...

A noter le tact de Bruno qui, pour ne pas froisser l’orgueil de notre aïeul, fit mine d’être tout aussi à l’aise dans cette partie ludique de la marche d’approche.
Mais, une fois perchés sur une des confortables vires chères à cette falaise, il retrouva finalement de vieux reflexes. Plutôt que de suivre la ligne logique le long des points neufs, voilà que notre Yves se mit à rechercher les zones de faiblesse de toute la falaise, montant plusieurs points, puis pendulant a gauche ou a droite pour rejoindre tantôt une vire, tantôt un système de fissure ou une strate. Beaucoup de tirage et d’éparpillement de dégaines, pour finir à un relais qui n’était même pas prévu pour en être un, contraignant Sylvain à de multiples acrobaties pour parvenir à récupérer tout le matos disséminé un peu partout. Une variante de variante de variante que jamais personne ne refera, d’une ligne logique avec un pas de bloc au milieu, Highway to LaCuvette, 7a. Comme quoi l’autoroute ne semple pas aussi large et évidente pour tous.
Il est plein d’idées reçues sur les premières, surtout avec toutes ces vidéos trainant sur le web. On oublie souvent qu’une première, c’est surtout grimper sans trace, sans aucune indication, avec des points pas encore optimisés, sur un caillou tout neuf, agressif, et pas encore purgé. J’ai depuis longtemps refusé l’exclusivité d’une dévotion à la communauté grimpante. Et je laisse la responsabilité à tous de mettre la main à la pate et d’amener sa brosse…Après tout, une première se doit d'être vraiment unique non ? Et c’est pour cela que je ne résistai pas au plaisir de celles de Wall of LaCuvette, dièdre highlandeur-ien technique et inconfortable sur un rocher parfois fragile, 7b à peu prêt, accompagnés des belles tentatives de Bruno et Bertrand. Puis vint avec Oliv le tour de Are you LaCuvette yet 7b+, une future classique, superbement variée, entre dalle à choux fleurs agressifs, toit physique et clippage de relais typiquement comboirien.
Et comme les premières fois sont souvent timides, il faudra que mes cuvettards fassent l’effort de réitérer l’effort pour savourer à sa juste valeur le privilège de fouler dans l’intimité, des lignes que bientôt le monde entier nous enviera !!
Et pout finir avec un traditionnel dimanche en famille, Nico amène tout le monde aux Saillants et se régale avec en dessert, Dégénération, qu’il remonterait bien à 8a, pour sa version "dré" dans le pentu, libérée par Schnappi et Pierrick et peu (pas?) répétée depuis…plus rude que la version Martin-isée qui s’en va par la droite dans Sale lierre dur.

dimanche 9 janvier 2011

Etrange

Il y a des signes avant coureurs qui ne trompent pas. J’aurais du m’en remettre aux prédictions de tous ces célèbres voyants qui inondent nos médias en cette période, même si finalement cette année, je les trouve plutôt discrets. A mon avis, c’est qu’ils sont déjà en train d’anticiper le cataclysme certain de la fin du calendrier maya qui se rapproche. Dernière année donc avant la date fatidique, surement l’explication à tous ces phénomènes étranges qui s’accumulent ces derniers temps.
D’abords FT qui fit mine d’ignorer mon passage éclair à Milhac pour réapparaitre aussitôt après mon départ pour Fa-ter une connexion que la fatigue m’empêcha de lui piquer, pointure kynèse, 7c. Avant de poursuivre avec Les courgettes, les autres aussi, 8a, dans le toit voisin de gauche. Etrange comme une cucurbitacée peut se retrouver sur le devant de la scène en même temps et à des milliers de kilomètres de distance, et dans des styles diamétralement opposés. Notre courgette à nous, à Voreppe se cultive dans une grande dalle technique sur un rocher parfaitement sculpté. Un superbe arc de cercle en 7b que nos végétariens locaux, Oliv, Sylvain et Jean-Yves laissent tranquillement murir jusqu’à une prochaine séance.
Avant même que l’année ne commence, j’en avais senti les prémisses. Rien qu’à la lecture de l’étiquette de la boisson alcoolisée et à bulle censée nous faire oublier que plus qu’une nouvelle année, c’est surtout une année en moins. Par quel miracle pouvait-elle venir de nos voisins qui d’habitude réservent toute la finesse de leur cuvée pour faire mariner de simples saucisses ?
Etrange… Et ce qui devait arriver, arriva…une barre au beau milieu du crane qui s’y accrocha jusqu’au petit matin...soit à peu près 11h. Heure à laquelle, embué, j’ouvrai la fenêtre, histoire de partager avec toute la campagne l'odeur fraîche du cuvettard au réveil, un lendemain de fête. Et là, quelle fut ma surprise lorsqu’après mettre frotté 3 fois les yeux pour en être sur, je découvrais comme une hallucination, Oliv, en train de faire des allers retours sur sa poutre colorée des belles prises amoureusement conçues par Nico. Et dire que toute l’année à la même heure, il se refusait de nous rejoindre au pied d’une vraie falaise.
Etrange encore ce coup de fil de Yves le samedi matin suivant. Je m’apprêtai à acquiescer bêtement, pendant une longue tirade sur les valeurs pures ou les bienfaits de l’esprit saint du ski alpiniste. Mais que nenni. Je l’entendis déblatérer des mots comme pas de bloc, variante de connexion, et surtout grand désespoir d’avoir une perche trop courte pour clipper le relais d’une célèbre voies des Lames. On était bien début Janvier et l’homme que se fait d’habitude greffer des skis à la place des pieds était bel et bien en train de grimper. C’est à ne plus rien y comprendre.
Quelques heures plus tard, à Voreppe, ce fut au tour de Sylvain de s’adonner à d’autres étrangetés : short, grimpe en tête, cris à la sharma-titude… pour un belle tentative de première répétition de la cabane au fond du jardin, 7b+. Et comble du comble, en 20 ans de pratique, ce fut la première fois que je croisais une cordée ici. Et de surcroit, des étrangers, descendants du pays aux étranges mœurs culinaires précédemment cité, venus ici tester les dernières nouveautés du grand mur de l’entrée…
Que nous réservera donc cette année 2011 bien singulière ? Surement plein d’extravagances et de découvertes inattendues pour une année encore pleine de passion… dans notre fantastique et délicieux univers LaCuvette.